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Nucléaire : plus d’un an de retard pour les EPR chinois

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En pleine visite officielle du président chinois Xi Jinping, une ombre apparaît sur la moisson des 18 milliards d’euros de contrats signés par les chefs d’État français et chinois le 26 mars. Alors qu’Areva obtient la poursuite des discussions sur un projet d’usine de retraitement de combustibles usés, le chantier des EPR chinois à Taishan rencontre des difficultés. Il affiche plus d’un an de retard : 15 mois pour la tranche de Taishan-1 et 13 mois pour Taishan-2, en cours de construction à Guangdong. La livraison finale des réacteurs de 1 600 mégawatts (MW), initialement prévue fin 2013 pour la première unité (puis au printemps 2014), n’est plus attendue qu’en juin 2015 – et en septembre pour la deuxième tranche – d’après le décompte de Pékin, comme on le voit ci-dessous dans un tableau récapitulatif de l’administration chinoise en charge de l’énergie (la NEA, selon le sigle traduit en anglais), et dans sa traduction en anglais par le journal spécialisé Nuclear intelligence weekly :


Ce calendrier peut être comparé au communiqué publié par EDF en 2008 pour annoncer la signature d’un accord de production pour les deux EPR, à lire ci-dessous. 


Ce ne sont d’ailleurs pas les seuls retards annoncés : sur les 33 tranches lancées depuis 2007 en Chine indiquées sur le document – en réalité 29 sont aujourd’hui en construction –, toutes échouent à respecter leur calendrier initial, à part les plus récentes. Le retard est particulièrement important pour les AP1000 conçus par l’américain Westinghouse, technologie nucléaire dite de troisième génération, comme l’EPR, atteignant quasiment deux ans. 

C’est une mauvaise nouvelle pour les français Areva et EDF, concepteur et constructeur de l’EPR, suffisamment mauvaise pour qu'ils se gardent de l’ébruiter. Après la débâcle du chantier finlandais de l’EPR à Olkiluoto, attendu en 2016, avec sept ans de retard (ce qui a coûté à Areva 150 millions d’euros de provision pour « perte à terminaison » en 2013), et les grosses difficultés rencontrées sur le site en construction de Flamanville (entrée en service prévue en 2016 au lieu de 2013, pour un coût global réévalué à 8,5 milliards  d’euros avec inflation contre 3,3 initialement prévus), les chantiers chinois devaient être tenus au cordeau. Ils devaient enfin prouver la maturité de la technologie EPR, et surtout la maîtrise qu'en avaient ses constructeurs. Sur son site, Areva explique ainsi que « grâce à l’expérience acquise » sur les deux chantiers d’EPR en cours « le calendrier des travaux a été raccourci de 40 mois »

Et pourtant, c’est un retard de plus d’un an dont Pékin révèle aujourd’hui l’existence. Que s’est-il passé ? Areva refuse d’en parler : « Nous ne pouvons pas communiquer sur le calendrier à la place de notre client », explique le groupe, renvoyant à l’opérateur, c’est-à-dire le client, le chinois CGN, « nous ne sommes pas en charge du démarrage ». Fin 2013, le taux d’achèvement des chaudières nucléaires des deux réacteurs de Taishan, périmètre du chantier sous la responsabilité du groupe français, était de 89 %, précise-t-il. 

Le contrat pour Taishan 1 et 2 a été signé en novembre 2007 à Pékin, en présence du président français de l’époque, Nicolas Sarkozy. Les acteurs sur le chantier sont nombreux. Un consortium composé d’Areva et de deux sociétés chinoises, CNPEC et CNPDC, filiales du groupe public China Nuclear Power Group (CGN), a fourni la chaudière nucléaire des tranches. La construction proprement dite des bâtiments est assurée par une joint-venture entre EDF (30 %) et CGN, dénommée Guangdong Taishan Nuclear Power Joint Venture Company Limited (TNPC). Les travaux ont démarré en octobre 2009 et avril 2010, selon l’édition 2013 du World nuclear report (voir ici) piloté par l’expert Mycle Schneider.

Cette phase est aujourd’hui très avancée, explique EDF. Les travaux de génie civil sont achevés sur Taishan-1, le dôme du bâtiment-réacteur a été posé et l’opérateur attend désormais l’autorisation de mise en service, hors combustible, de l’autorité de sûreté chinoise. Concernant Taishan-2, en 2014 le montage électromécanique doit être finalisé. C’est la joint-venture qui est en charge de l’ensemble des étapes du chantier, insiste l’électricien français, et non EDF seul. « Quand la construction de Taishan a débuté, elle a bénéficié du retour d’expérience du chantier de Flamanville », explique EDF. Mais compte tenu des déboires de l’édification de l’EPR normand, « les deux chantiers avancent désormais en parallèle ». « C'est une nouvelle technologie, ce sont des têtes de série », insiste encore l'électricien, pour expliquer ces délais.

Les retards considérables des chantiers européens retombent donc également en cascade sur le calendrier des travaux en Chine. D'après les estimations de Phil Chaffee, de Nuclear Intelligence Weekly, les réacteurs de Taishan devraient néanmoins entrer en fonctionnement avant les EPR européens, ce qui va complexifier le travail de l'autorité de sûreté chinoise. 

Aucun autre détail technique ne filtre. Mais le constructeur naval DCNS, qui fournit des éléments de cuves des EPR, peine à fournir les pièces commandées, ce qui a grevé ses résultats 2013

Après la catastrophe de Fukushima, la Chine a revu à la hausse ses exigences de sûreté, si bien que tous les chantiers de réacteurs atomiques en Chine ont dû supporter des délais. Tout nouveau projet de tranche a été gelé jusqu’en novembre 2012. Officiellement, aucune tranche conçue par les Chinois eux-mêmes n’affiche de retard de plus d’un an. En réalité, le programme nucléaire de Pékin monte en puissance si rapidement que les problèmes se multiplient : contrôle-qualité et formation des équipes notamment. 

Pour les EPR, ces retards de livraison se traduiront sans doute par une hausse des coûts de production, dont aucune estimation chiffrée ne circule à ce stade. En décembre dernier, lorsque l’ASN a sommé EDF de mettre le chantier de l’EPR à Flamanville en conformité avec les règles en vigueur, comme l’avait révélé Mediapart, l’ONG Greenpeace avait alors ironisé : « Après les années de retard (quatre minimum) et l'explosion de son budget (de 3,3 à 8,5 milliards d'euros), cette nouvelle péripétie démontre une chose que nous savions déjà : EDF ne sait pas construire ce réacteur. Personne ne le sait. Cela pose une question importante : comment vend-on un produit qu'on est incapable de construire ? » Avec les difficultés du chantier chinois, la question semble plus que jamais d’actualité.

BOITE NOIRECet article a été modifié jeudi soir vers 23h pour corriger les citations d'Areva, à la demande de son porte-parole.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : L’emploi en France


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