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Charbon : le projet contesté de GDF-Suez en Afrique du Sud

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GDF Suez veut ouvrir une grosse centrale électrique à charbon en Afrique du Sud, au cœur du bassin minier du Waterberg, au nord du pays. L’étude d’impact est actuellement en phase de consultation. Alors que se tient, lundi 28 avril, l’assemblée générale des actionnaires du groupe, ce pourrait être une simple information économique.

Mais le Giec vient de publier un nouveau rapport estimant que les températures pourraient s’élever de 3,7 à 4,8 °C d’ici 2100 (lire ici). Les émissions de gaz à effet de serre ne cessent de croître depuis 40 ans et s’accélèrent depuis une décennie. Or le boom de la production et de la consommation de charbon en est en grande partie responsable, analysent les scientifiques : il a inversé la tendance à long terme de décarbonisation de l’offre mondiale d’énergie. Le projet de la centrale de Thabametsi pose donc aussi un problème éthique : jusqu’à quand l’industrie énergétique va-t-elle continuer à saturer l’atmosphère de tonnes de CO2 et contribuer sans faillir à dérégler le climat de la planète ?

Localisation du projet de centrale au charbon de Thabametsi.Localisation du projet de centrale au charbon de Thabametsi.

En juin 2013, GDF Suez annonce étudier un projet de centrale au charbon d’une capacité de 600 mégawatts (MW) pouvant être portée à 1 800 MW dans la province du nord de l’Afrique du Sud (voir ici). Près d’un an plus tard, le tableau se précise : développée en partenariat avec l’entreprise Exxaro Ressources, l’installation pourrait produire jusqu’à 1 200 MW et doit être raccordée au réseau national d’électricité. Un contrat avec l’opérateur public d’électricité, Eskom, est en cours de négociation. Une demande d’autorisation a été déposée auprès des autorités, une étude d’impact réalisée. Elle conclut que « le projet est acceptable du point de vue environnemental » et qu’« aucun dommage irréparable » n’a été identifié (lire ici, en anglais).

Les impacts de sa construction, de son activité, et des infrastructures qu’elle va nécessiter, sont estimés « d’une importance moyenne à faible, si des mesures appropriées d’accompagnement » sont prises. Le dossier comprend une bizarrerie : la société minière sud-africaine Exxaro n’y apparaît à aucun moment – pas plus que GDF Suez. C’est Newshelf 1282 Limited qui est officiellement candidat à l’ouverture de cette centrale, une société écran s’inquiète Earthlife Africa, une ONG de défense de l’environnement qui s’oppose au projet. Elle dénonce les dommages que le futur site va causer à la qualité de l’air, déjà en deçà des niveaux recommandés par l’Organisation mondiale de la santé à cause des nombreuses particules rejetées par la centrale électrique déjà existante de Matimba, toute proche. Pour répondre aux énormes besoins d’eau des mines et centrales au charbon, les autorités prévoient de puiser dans une rivière qui irrigue les terres agricoles, au risque de créer de la pénurie. Pour Tristen Taylor, coordinateur d’Earthlife Africa : « Ce n’est pas qu’un problème local. L’ouverture de cette centrale concourt à bloquer l’Afrique du Sud dans son modèle hyper-dépendant du charbon. Sa durée de vie est d’environ 60 ans. Le pays va continuer à émettre toujours plus de CO2. En aucun cas, il n’agira sur la scène diplomatique pour obtenir un bon accord sur le climat en 2015. »

En Afrique du Sud, 90 % de l’électricité provient du charbon. Le bilan carbone du pays est l’un des pires qui soient au monde, avec entre 11 et 12 tonnes de dioxyde de carbone émises par personne et par an. C’est plus qu’en Chine, et davantage qu’en France, pays pourtant bien plus riche. L’industrie est le plus gros consommateur de cette énergie carbonée. Selon Earthlife Africa, 43 % de toute l’électricité produite en Afrique du Sud est consommée par seulement 36 entreprises. L’essentiel du charbon du Waterberg devrait être brûlé sur place pour produire du courant électrique. Mais les hydrocarbures de meilleure qualité devraient être exportés, ce qui promet de belles marges de profit aux opérateurs de la centrale.

Opérateur gazier historique en France, dont l’État est actionnaire à hauteur de 36,7 %, le groupe GDF Suez a enregistré en 2013 une perte historique de 10 milliards d’euros fin 2013, dues à l’effondrement du marché du gaz en Europe. Son PDG Gérard Mestrallet ne manque pas une occasion de fustiger les aides dont bénéficient les énergies renouvelables à travers le système des tarifs d’achat. Au niveau mondial, le charbon était la deuxième plus grosse source de production d’électricité par le groupe (14 %), avec l’hydraulique, après le gaz en 2012. L’Afrique et le Moyen-Orient ne représentaient que 6 % du chiffre d’affaires du groupe à la fin de cette même année. Mais la crise du marché du gaz en Europe, et la mise sous cocon d’un grand nombre de centrales thermiques, conduisent le groupe à développer son activité internationale.

BOITE NOIREJ'ai joint par téléphone Anne Chassagnette, directrice du développement durable de GDF-Suez jeudi 24 avril, qui n'a pas souhaité me répondre et m'a renvoyée vers le service de communication du groupe, à qui j'ai posé une série de questions. J'attends toujours leurs réponses.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : L’arbre à lire


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