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La banque HSBC convoquée dans quelques semaines par les juges

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Après UBS, HSBC ? La filiale suisse de gestion de fortune de la banque, HSBC Private Bank, pourrait être prochainement mise en examen à Paris pour « démarchage illicite » et « blanchiment de fraude fiscale ». Selon des informations du Monde, dont Mediapart a obtenu confirmation, la mise en examen aurait dû tomber ce lundi 3 novembre. Elle a finalement été repoussée de quelques semaines. C’est une étape cruciale dans le travail des juges d’instruction Guillaume Daïeff et Charlotte Bilger, qui enquêtent depuis avril 2013 pour établir si la banque a organisé en toute connaissance de cause la fraude fiscale massive de ses riches clients vers la Suisse.

Selon Le Monde, qui s’appuie notamment sur un rapport de synthèse de la gendarmerie du 30 juillet 2014, la réponse est sans ambiguïté : au cours de l’enquête, où ils ont auditionné plus de 80 témoins, clients ou gestionnaires de fortune confondus, les enquêteurs ont acquis la conviction que l’établissement financier abritait en Suisse des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros de ses clients importants, principalement abrités derrière des sociétés-écrans permettant de dissimuler leurs bénéficiaires réels.

Les éléments dévoilés jusqu’à présent ressemblent beaucoup à ceux qui concernent UBS, dont la maison-mère a été mise en examen pour les mêmes motifs que HSBC en juillet par le même juge Daïeff, qui a exigé le versement d’une caution de un milliard cent millions d’euros. Mais pour HSBC, le volume des opérations est largement supérieur. Les juges d’instruction estiment, en fourchette basse, que UBS accueillait environ 10 milliards d’euros occultes dans ses coffres, dont au moins 80 % appartenant à des Français. Côté HSBC, « plus de 5 milliards d’euros, dernier décompte fiscal en date, auraient été cachés par des contribuables français », selon Le Monde. Cette somme est proche de celle calculée à l’été 2013 par Christian Eckert, alors rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée et aujourd’hui secrétaire d’État au budget. Mais elle ne concerne que les contribuables hexagonaux. L’ensemble des sommes cachées sur les comptes de HSBC Private Bank en 2006 et 2007 dépasserait les 180 milliards d’euros, « appartenant à 106 682 personnes physiques et 20 129 personnes morales » !

Ces conclusions, et la future mise en examen de la banque, viennent conforter les informations et les données fournies dès 2008 à la justice par Hervé Falciani. Cet ex-informaticien de HSBC à Genève s’est mué en lanceur d’alerte de premier plan lorsqu’il a communiqué aux autorités françaises plus de 65 gigaoctets de données, regroupés sur cinq DVD, formant un gigantesque et complexe puzzle de la fraude fiscale internationale, concernant des milliers de contribuables. Mediapart lui a longuement donné la parole, et l’a invité lors d’un récent live, en compagnie d’autres lanceurs d’alerte du secteur bancaire.

Parmi les quelque 3 000 noms présents sur les listings prioritaires établis par le fisc et les gendarmes à partir des données de Falciani, on trouve des célébrités, comme Mediapart l’a déjà détaillé : le célèbre patron de salons de coiffure Jacques Dessange, deux monstres sacrés du cinéma français, les comédiens Michel Piccoli et Jeanne Moreau, ou encore un ancien représentant permanent de la France à l’ONU, Luc de Nanteuil. Tous ont indiqué avoir régularisé leur situation fiscale ces dernières années. Même situation pour le réalisateur Cédric Klapisch, le psychanalyste Gérard Miller ou l’ex-président du CRIF Richard Prasquier. Le chef cuisinier Paul Bocuse aurait quant à lui « oublié » qu’il détenait 2,2 millions d’euros non déclarés, avant qu’il ne rentre dans les clous.

L'importance des sociétés-écrans bien comprise par Dugarry

De nombreux comptes étaient établis via des sociétés-écrans basées au Panama ou aux îles Vierges britanniques. Autant de sociétés créées à partir de 2005 pour contourner la mise en place d’une directive européenne prévoyant de taxer les revenus d’épargne des comptes à l’étranger, pour peu qu’ils appartiennent à des personnes physiques. Depuis le 1er juillet 2005, ces comptes basés en Suisse peuvent rester anonymes, mais les intérêts qu’ils rapportent subissent une retenue à la source (passée de 15 % en 2005 à 35 % aujourd’hui).

Selon Le Monde, les enquêteurs détiennent une lettre datant de 2005 et signée de deux dirigeants de HSBC, prévenant leurs clients de la mise en application de la nouvelle taxe européenne, tout en leur assurant que de « nombreux instruments et structures existent » pour y échapper.

Parmi les clients qui ont été sensibles à cet argument, on trouve notamment le consultant sportif et ancien footballeur international Christophe Dugarry. Dans un procès-verbal de gendarmerie de juillet 2010 obtenu par Mediapart, les enquêteurs indiquent qu’il est le bénéficiaire économique d’un compte ouvert au nom de Faroe Capital Ltd en mars 2005, et créditeur de 67 731,97 euros au moment de sa découverte par la justice.


En Suisse, la justice française peu considérée

La future mise en examen de la banque ne tombe pas bien pour elle, alors qu’elle a déjà été (légèrement) sanctionnée en avril 2013, pour avoir géré les fonds douteux du clan du président tunisien déchu Ben Ali pendant des années, et qu’elle a versé fin 2012 1,9 milliard de dollars (1,5 milliard d'euros) pour mettre fin à des poursuites des autorités américaines dans une affaire de blanchiment en faveur de cartels de la drogue et de fonds iraniens, interdits d'accès au système financier américain.

Mais la décision des juges Daïeff et Bilger ne devrait pas non plus améliorer les relations franco-suisses, alors que François Hollande vient d’annoncer qu’il effectuera l’an prochain une visite d’État chez son voisin helvète, une première en plus de trente ans. Le Monde révèle que le ministère de la justice suisse avait signalé par courrier le 1er août ne pas apprécier que ses banquiers soient convoqués directement par la justice française, sans passer « par la voie ministérielle ». Les juges hexagonaux ont opposé une fin de non-recevoir à cette demande, rallumant la guerre judiciaire que Mediapart évoquait l’an dernier.

Les activités de la justice française ne semblent cependant guère impressionner de l’autre côté du Rhône : dans son édition du 3 novembre, le prestigieux quotidien Le Temps, traditionnellement proche de la place bancaire genevoise, offre une belle tribune à François Reyl, le banquier qui avait accueilli le compte caché de l’ancien ministre du budget Jérôme Cahuzac dans ses livres de comptes. Reyl y développe une brillante analyse des recours des banques suisses pour continuer à gagner de l’argent, maintenant que l’« exception culturelle » de la fraude fiscale massive devient difficile à défendre. Mais François Reyl ne rappelle nulle part qu’il est lui-même justement mis en examen en France pour « blanchiment de fraude fiscale ». Et le quotidien n’a pas non plus cru bon de préciser ce détail éclairant.

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