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Europe: le fossé Nord/Sud se creuse encore

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Mariano Rajoy en Espagne, Enrico Letta en Italie, Pedro Passos Coelho au Portugal : ces trois chefs de gouvernement, de droite ou de gauche, ont pour point commun d'avoir tous très mal commencé leur été. Difficile de n'y voir qu'une coïncidence, dans cette Europe méditerranéenne frappée plus qu'ailleurs par la récession : la crise politique est en train de s'y aggraver.

En Espagne, le conservateur Rajoy, entré en fonction en décembre 2011, est pris dans un scandale de corruption qui l'a obligé – fait extrêmement rare pour le Galicien, adepte de la discrétion – à se justifier en public, le 1er août, devant les députés du pays. Plusieurs formations d'opposition exigent sa démission, et le feuilleton judiciaire n'en est qu'à ses débuts (lire ici ou ).

En Italie, la condamnation ferme de Silvio Berlusconi vendredi a rappelé l'extrême fragilité de la grande coalition au pouvoir, issue des élections de février, écartelée entre le parti démocrate de Letta (centre gauche) et le peuple des libertés du Cavaliere. Ce dernier semble encore avoir une capacité de nuisance suffisante pour mettre en péril l'exécutif tout entier, à tout moment, et provoquer des élections anticipées (lire ici ou ).

Au Portugal enfin, Passos Coelho a vu son gouvernement de droite tanguer, à cause de désaccords de fond sur la politique économique, après les défections de plusieurs poids lourds, à commencer, le 1er juillet dernier, par son ministre des finances, Vitor Gaspar. Le scénario d'élections anticipées a longtemps prévalu, mais Passos Coelho a finalement sauvé sa tête, in extremis, le 22 juillet, en donnant des gages aux chrétiens démocrates du CDS-PP, son partenaire au sein de la coalition. Mais pour combien de temps ? Mercredi 7 août, le départ du secrétaire d'Etat au Trésor confirme l'instabilité de l'actuel gouvernement. (Lire ici ou .)

Les situations de ces trois pays méditerranéens ont chacune leurs spécificités, le poids des régimes passés autoritaires y joue de manière différente à chaque fois, mais la vue d'ensemble est marquante. Les partis de gouvernement semblent s'user plus vite qu'ailleurs, dans cette région où les taux de chômage atteignent des sommets (17 % au Portugal, 26 % en Espagne, 12 % en Italie). Ces formations paient au prix cher les politiques d'austérité impopulaires qu'elles ont mises en place, parfois sous la pression combinée des marchés et de la commission européenne. Mais les alternatives, dans le même temps, peinent à s'imposer.

Tout se passe comme si la crise avait façonné un inquiétant vide politique, sur fond de panne de la social-démocratie. En Espagne, jamais les deux principaux partis de gouvernement n'ont été aussi bas dans les sondages. Le PSOE, dans l'opposition, reste discrédité par la gestion de crise tout en austérité du second mandat de José Luis Rodriguez Zapatero, tandis que leur nouveau chef, Alfredo Perez Rubalcaba, peine à impulser une dynamique offensive.

Les écolo-communistes d'IU, qui n'incarnent pas franchement le renouveau de la politique espagnole, semblent avoir le vent en poupe, tout comme le centre gauche de Rosa Diez (ex du PSOE), mais le surgissement des « indignés » du 15-M n'a pas débouché sur la formation d'une force politique autonome (voir la tentative, bégayante jusqu'à présent, du « parti X »). Le jeune parti écolo Equo réalise jusqu'à présent des scores ultra-confidentiels.

En Italie, les remous provoqués par la condamnation de Silvio Berlusconi rappellent à quel point le système politique national semble à bout de souffle, incapable, par exemple, de faire émerger de nouveaux talents. La coalition au pouvoir, installée depuis trois mois à peine, est déjà très divisée, en particulier sur la question de la fiscalité. Dans l'opposition, Beppe Grillo, le patron du Mouvement cinq étoiles (M5S) et grand vainqueur des élections générales de février, aurait pu capitaliser sur cette situation, mais il semble, lui aussi, dans une situation inconfortable.

Le M5S est menacé de fragmentation, depuis la polémique provoquée en juin par une députée du M5S, qui a dénoncé l'autoritarisme, en interne, de Grillo. Plus généralement, les résultats décevants de cette formation lors d'élections locales en mai laissent penser qu'une partie de son électorat tient rigueur à Grillo d'avoir refusé de soutenir, en février, un gouvernement de centre gauche, faisant indirectement le jeu de Silvio Berlusconi. Quant au SEL (Gauche, écologie et liberté) de Nichi Vendola, qui a refusé de participer au gouvernement de coalition, malgré son soutien au PD pendant la campagne, il paraît isolé.

Au Portugal enfin, pays sous assistance financière, plus que jamais confronté à un « devenir grec », les mobilisations de la « geraçao a rasca » (“génération à la traîne”), en 2011, n'ont pas entraîné, là non plus, la constitution d'une nouvelle offre politique. Dans l'opposition, les socialistes peinent eux à se défaire de l'héritage de José Socrates. Cette figure avait dû démissionner de son poste de premier ministre, en 2011, après avoir perdu le soutien du parlement, qui refusait de valider un nouveau paquet de mesures d'austérité. Malgré les efforts de son nouveau leader, José Antonio Seguro, la tâche semble difficile : on se souvient par exemple qu'en mars dernier, lors d'une des manifestations monstres contre la « Troïka » (UE, BCE, FMI), les manifestants avaient conspué une responsable socialiste présente dans la foule.

Décrochage économique, usure accélérée des gouvernements en place, attrait du vide : il est tentant de voir, dans ces reconfigurations politiques incertaines, l'affaissement politique d'un pan de l'Union, étranglé par la crise, et les remèdes qui lui sont administrés depuis plus de trois ans. Le fossé Nord-Sud, vieille affaire de l'UE, n'a jamais été aussi profond. À très court terme, l'avenir de l'Union se joue sur ces territoires du Sud. Mais l'un des éléments qui pourraient changer la donne échappe à leur contrôle : les Allemands se rendent aux urnes le 22 septembre.

BOITE NOIREJ'ai mis de côté le cas de la Grèce, très particulier, même si le gouvernement a lui aussi failli chuter lors de l'épisode de la fermeture de la radio et télévision publique, en juin dernier.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Contre l’Etat d’exception


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