Coup sur coup, ce sont trois des acteurs clés de l’affaire Cahuzac qui ont été mis en examen par les juges d’instruction Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire. François Reyl, dirigeant de la banque Reyl & Cie, le 29 octobre pour « blanchiment de fraude fiscale » ; Dominique Reyl, son père et fondateur de l’établissement, le lendemain pour le même motif. Ils avaient tous deux été précédés, selon Le Monde, par Hervé Dreyfus. Le gestionnaire de fortune de Jérôme Cahuzac, dont l’existence avait été révélée par Mediapart le 11 décembre 2012, a été mis en examen le 11 octobre pour « complicité de blanchiment de fraude fiscale », a indiqué le quotidien ce jeudi.

Lors de sa seule déclaration publique depuis le début de l’affaire en décembre, au cours d’une récente audition au Sénat, Dreyfus avait annoncé sa convocation prochaine devant les juges. Ses trois mises en examen interviennent après celle de Jérôme Cahuzac le 2 avril, et celle de sa femme Patricia le 29 août. Les juges parisiens se sont vu confier l’enquête sur « blanchiment de fraude fiscale » après les révélations de Mediapart et le départ contraint de Cahuzac de son poste de ministre du budget en mars. Il a reconnu être titulaire dans une banque à Singapour d'un compte occulte affichant environ 600 000 euros, qu'il a depuis décidé de rapatrier. Les enquêteurs ont établi que le compte a été ouvert en 1992 dans une agence UBS de Genève, et que les fonds ont été gérés dès 1993 par Reyl – alors petite société de gestion de patrimoine –, déposés au sein d’UBS, puis dans d’autres banques, avec l’aide active du Français Hervé Dreyfus, demi-frère de Dominique Reyl. L'argent a finalement été déplacé en 2009 à Singapour.
C’est encore la maison Reyl & Cie qui a organisé le transfert du compte à Singapour, au sein de la filiale de Julius Baer, en vue d’échapper à d’éventuelles demandes du fisc français. L'ancien ministre aurait alors produit un faux certificat de conformité fiscale, comme l'avait révélé début avril le journal suisse Tages-Anzeiger.
Il reviendra ensuite aux juges de prouver que ces infractions de participation à la fraude fiscale se sont en grande partie déroulées sur le sol français, puisqu’en droit suisse, l’infraction de blanchiment de fraude fiscale n’existe toujours pas. Dans un communiqué annonçant de façon floue « une mise en examen », la banque se disait d'ailleurs « sereine à l'issue de cette audition qui lui a permis de démontrer qu'elle a agi en conformité avec les législations et réglementations qui lui sont applicables ».
Selon l’AFP, François et Dominique Reyl ont été placés sous contrôle judiciaire. Il ont notamment interdiction d'entrer en contact avec les clients de Reyl en France sur le territoire national et à l'étranger, ce qui signifie sans doute que les juges entendent débusquer d’autres fraudeurs français abrités par l’établissement Reyl. Hervé Dreyfus pourrait les y aider. D’après notre enquête, le financier de 60 ans partageait non seulement nombre de secrets financiers de l’ancien ministre (selon les enquêteurs, c’est avec lui que pourrait bien discuter Jérôme Cahuzac, fin 2000, durant une conversation enregistrée par erreur où il évoquait son compte chez UBS), mais aurait aussi joué le rôle d’apporteur d’affaires régulier pour le compte de son demi-frère.
Dreyfus a également été mis en cause à plusieurs reprises par Pierre Condamin-Gerbier, le gérant de fortune incarcéré en Suisse pendant deux mois et demi pour avoir détaillé, devant la justice, des sénateurs et des députés, les pratiques de la banque Reyl. Libéré sous condition et brisé moralement, l’ancien cadre de la banque Reyl s'est prononcé en faveur d'une “procédure simplifiée”, qui consiste à passer aux aveux en échange d'une remise de peine.
Comme nous le racontions, les deux juges français n’ont pas digéré la manière dont le ministère public suisse s’était empressé de répondre à la plainte de Reyl & Cie contre son ancien employé, pour « services de renseignements économiques » (mais aussi « vol, violation du secret de fabrication ou secret commercial, faux dans les titres et violation du secret professionnel »). Ils viennent donc de refuser d’exécuter une commission rogatoire suisse, la justice de la Confédération désirant obtenir le détail de ce que Condamin-Gerbier avait déclaré lors de sa dernière audition devant Van Ruymbeke et Le Loire, le 2 juillet à Paris.
La guerre judiciaire est ouverte, d’autant que Renaud Van Ruymbeke enquête aussi, en parallèle, sur la Reyl & Cie elle-même. Le 31 mai, suite à son audition de Condamin-Gerbier, le Parquet lui a confié une information judiciaire pour « blanchiment de fraude fiscale ».
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